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« Tout le monde le connaissait sous le nom de “Bud le Paysagiste”. C’était un grand gaillard, environ un mètre quatre-vingt-quinze, peut-être cent vingt kilos ou plus, presque tout en muscle, à l’exception d’un ventre proéminent travaillé quotidiennement à la bière. Il buvait huit bières ou plus en rentrant du travail, puis deux ou trois autres pendant le dîner. Je ne l’ai vu vraiment saoul qu’une seule fois. Un groupe d’étudiants l’avait défié dans un concours de pichets de bière. Il avait gagné. Les nouveaux venus dans le bar, surtout les femmes, voulaient toujours voir les mains de Bud le Paysagiste. Elles étaient célèbres. Trente ans de dur labeur à planter, creuser, ratisser, tailler, pousser des brouettes et pelleter avaient forgé des œuvres d’art à cinq doigts, énormes, calleuses, striées et patinées. Elles ressemblaient presque à des créatures en céramique Raku japonaise.

Un magnifique matin de fin de printemps, après la pluie, Bud taillait des azalées dans un jardin formel somptueux qui suivait la pente naturelle et douce du terrain jusqu’à un bayou déchaîné, emportant avec lui branches, herbes déracinées, troncs d’arbres et divers déchets colorés. Des carpes argentées et brun rouille faisaient surface, leurs grandes bouches ouvertes semblant implorer de l’aide. Bud leva les yeux, scrutant la scène à la recherche d’alligators. Un héron grand aux longues pattes fines, chevauchant un tronc lancé à toute vitesse, le fit sourire.

— Bud, pourquoi ne vous êtes-vous jamais marié ? demanda une voix fluette qui le fit sursauter. Il se retourna pour voir la propriétaire du domaine, une octogénaire frêle, mais encore dotée d’une aura de sensualité et de ruse.

— Oh, Madame Broussard, bonjour… Je ne sais pas vraiment. J’ai failli me marier une fois, mais elle ne voulait pas que je travaille tard ou les week-ends. Elle ne comprenait pas ma passion pour la bière.

— Bud, je vous connais depuis plus de trente ans, on aurait pu se marier à l’époque.

— Ha, ha, Madame Broussard, c’est vrai. Mais vous ne m’auriez jamais vraiment eu. Pour être honnête, ce qui me faisait le plus peur, c’était de perdre ça, dit-il en levant une poignée de fleurs fanées d’azalée fraîchement coupées, et ça, ajouta-t-il en balayant de sa grande main un parterre d’iris de Louisiane d’un magenta éclatant.

— Oui Bud, et cela aurait été une terrible perte, répondit Madame Broussard. Je vais nous chercher du thé glacé… »

Extrait de “The Landscaper” de Franklin Cincinnatus

JURY | Wendi Schneider sera la jurée du concours “Landscapes”. Wendi est une artiste visuelle reconnue pour ses photographies éthérées qui marient la beauté fragile du monde naturel à la luminosité des métaux précieux. S’appuyant sur une riche formation en peinture et en histoire de l’art, et inspirée par sa collection de photographies du début du XXe siècle, Schneider crée des images qui évoquent une sensation de transcendance et de grâce éphémère. Utilisant la photographie comme base pour ses peintures dans les années 1980, elle a commencé à superposer des huiles sur ses tirages, une technique qui a évolué pour devenir son procédé signature : des superpositions numériques associées à une application méticuleuse de feuilles métalliques à la main dans sa célèbre série States of Grace. Son travail, exposé à l’international, figure dans de nombreuses collections permanentes, notamment au Asheville Art Museum, à la bibliothèque de l’université d’Auburn (collections spéciales), au Center for Creative Photography, au Memphis Brooks Museum, au Museum of Fine Arts Houston et au New Orleans Museum of Art. Schneider est représentée par : A Gallery For Fine Photography (Nouvelle-Orléans), Arnika Dawkins Gallery (Atlanta), Catherine Couturier Gallery (Houston), Etherton Gallery (Tucson), PhotoGraphic Gallery (San Miguel de Allende), Rick Wester Fine Art (New York), Vision Gallery (Jérusalem) et Wach Gallery (Cleveland).